RAE L'ARGENTINE VERS LE MONDE

Des collections ethnographiques de la Terre de Feu en Europe

L'autrichien Martin Gusinde, ethnographe et religieux de la Société du Verbe Divin, a effectué les travaux de terrain les plus importants sur les ethnies Selk'nam, Yagan et Kawésqar entre 1918 et 1924 en Terre de Feu –extrême sud de l’Argentine– et a emporté avec lui une vaste collection de matériaux et d'artefacts dont la localisation est restée longtemps inconnue.
Aujourd'hui, après un travail rigoureux, Danae Fiore et Ana Butto, archéologues du CONICET, ont réussi à déterminer que ces collections se trouvent dans deux dépôts de différentes institutions à Vienne : le Weltmuseum et le monastère de Sankt Gabriel (où Gusinde a étudié et vécu).
"Après plusieurs années de recherche, nous avons pu visiter ces dépôts et faire un premier relevé du contenu de ces collections, ce qui nous permet, pour la première fois, d'avoir des informations complètes sur les matériaux que Gusinde a enregistrés et transportés, leurs caractéristiques, leur affectation culturelle aux différentes ethnies de la Terre de feu et leur état de conservation actuel", déclare Fiore, docteur en archéologie et membre de l'Association de recherche anthropologique (AIA) basée dans la ville de Buenos Aires.
Grâce à la sélection minutieuse d'objets effectuée par Gusinde, les deux collections sont représentatives des ethnies Selk'nam, Yagan et Kawésqar et comprennent des types d'objets similaires : paniers, récipients en écorce, arcs, carquois (étuis à flèches), pointes de flèches, pointes de harpons, harpons complets, modèles réduits de canoës et de pagaies, bandeaux, colliers et même certains objets cérémoniels tels que des masques et des diadèmes.
Fiore et Butto ont pu établir que les collections comprennent un total de 391 artefacts : 292 conservés au monastère de Sankt Gabriel et 99 au Weltmuseum.
Une pratique courante des explorateurs consistait à rassembler et à transférer des collections d'objets archéologiques et ethnographiques à leurs institutions d'origine. "La découverte de ces collections est très pertinente sur le plan académique car elle nous permet d'observer et d'analyser des objets produits sur des matériaux périssables - comme le bois, le roseau et le cuir - ce qui facilite l'étude de pièces qui ne sont jamais retrouvées complètes dans les fouilles archéologiques", souligne Fiore.
L'étude de ces collections a permis de constater l'utilisation de pigments et de peintures sur un grand nombre d'objets, allant des ornements corporels aux artefacts cérémoniels.